Infirmières, métiers du social, professeurs, et maintenant magistrats… Les professions s’enchaînent pour afficher leur mal-être au travail et les démissions se multiplient. Que manque-t-il pour qu’un travail soit « bon » ? Pourquoi les exemples se multiplient-ils en ce moment ? Sachons traquer ce qui est indigne de l’homme dans ces contextes ! Trois qualités sont traditionnellement retenues par l’Eglise dans sa doctrine sociale pour qualifier un travail : l’occasion d’un bon diagnostique pour avancer !
La première qualité d’un travail est son aspect subjectif : la capacité qu’a un travail de faire grandir la personne qui le fait. On peut penser par exemple aux infirmiers et infirmières dont le travail se « productivise » petit à petit jusqu’à leur donner l’impression d’être des opérateurs d’une chaîne de production. Comment se considérer en croissance quand on passe d’infirmier à opérateur ? Et au-delà du strict cadre du travail, que penser de ces cadres ou managers dont le travail vient coloniser les soirs et les week-ends ? L’homme finit par se réduire à son travail, et coupe un bras à sa vie : son rôle de père, mère, mari, femme, joueur de foot amateur, voisin prévenant… Là aussi, la croissance humaine peut être empêchée ! Il y a parfois dans ces horaires qui s’allongent un petit côté course à l’échalote de celui qui enchaînera le plus d’heures… On peut y voir une structure de péché, et forcément, ça peut être un facteur de départ. Et qui dit structure de péché dit que l’arme à opposer est la solidarité : afficher qu’on part à une heure raisonnable peut attirer quelques moqueries… ou donner l’envie à d’autres de s’octroyer ce petit morceau de bonheur qu’il attend avec sa famille ! La deuxième qualité d’un travail se trouve dans son objectif : il produit quelque chose de valeur. Il contribue au bien commun. Un soin, une baguette de pain, un logiciel ou un jugement bien rendu. 3000 magistrats ont signé le 24 novembre une tribune dans le Monde dans laquelle ils soulignent que certains d’entre eux n’ont plus que « sept minutes pour écouter et apprécier la situation dramatique de personnes qui ne parviennent plus à payer leur loyer ou qui sont endettées ». Or pourquoi les magistrats sont-ils magistrats ? Parce qu’ils veulent rendre justice. Ils veulent pouvoir rétablir les droits de chacun. C’est un acte d’amour envers les justiciables (même si parfois ça se fait à leurs dépens). Mais un acte d’amour, ça ne se tire pas à pile ou face. Il faut entendre, comprendre, qualifier, juger. C’est complexe et je pense qu’on a tous des situations dans nos vies où il nous est difficile de dire ce qui est bon ou mauvais, même quand on a le temps de peser le pour et le contre. Quelle réaction quand un enfant a fait une bêtise ? « L’importante discordance entre notre volonté de rendre une justice de qualité et la réalité de notre quotidien fait perdre le sens à notre métier et crée une grande souffrance. » Lorsque les conditions ne sont plus là pour juger réellement de ce qui est juste ou pas, il n’est pas étonnant que les magistrats ne se retrouvent plus dans leur poste. Enfin, la dernière qualité retenue par l’Eglise pour qualifier le travail est son caractère social. Le lien vécu avec les autres. Les collègues, les clients, les fournisseurs. Les élèves quand on est professeur. Sur ce sujet, les confinements ont tout simplement été dramatiques. Il y a quelque chose de confortable à ne pas être dérangé par les autres quand on veut se concentrer, mais au total, le manque de lien vécu lors d’épisodes de télétravail peut être cause de dévalorisation du travail lui-même. Nous payons aujourd’hui les pots cassés du confinement dans beaucoup de métiers, par exemple l’enseignement. Les masques continuent aussi une certaine forme de confinement… On est plus loin les uns des autres puisqu’une partie de la communication manque, les expressions du visage. Alors pour conjurer la difficulté du moment, apprenons alors à aimer cette communication pour en cueillir chaque fruit tant et lorsqu’elle est possible ! Ces trois critères nous invitent à chercher à construire de la valeur au sein de nos collectifs de travail : d’abord pour nos collègues, en veillant à leur croissance intégrale, ensuite pour les clients, en veillant à être toujours conscient du bien qu’on souhaite leur procurer, et enfin vis-à-vis du collectif de travail lui-même : quelle valeur donnons-nous au collectif ? Quel temps passé ensemble, quels apprentissages de la vie ensemble, quel pardon donné, quels moments de convivialité ? Sur le fond, les structures ne sont rien d’autre qu’une somme de petites décisions, alors veillons à prendre les petites et grandes décisions qui s’imposent, chacun à notre niveau, pour construire un travail digne de l’homme, digne de nous !
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