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Heureux comme un chrétien au travail Interview - Radio Présence


 

Le bonheur au travail est-ce possible ?

Isabelle du Ché (IC) : « Heureux comme un chrétien au travail » tel est le titre du livre de mon invité, paru aux Editions Artège. Bonjour Jacques de Scorraille.

Jacques de Scorraille (JS) : Bonjour Isabelle.

IC : Jacques de Scorraille vous avez fondé Ecclésia RH en 2004, un cabinet qui met son expertise au service de la sphère ecclésiale et qui accompagne les dirigeants d’institutions chrétiennes dans la mise en place d’une politique de ressources humaines innovantes. Je cite la présentation de votre cabinet, une politique qui était aussi inspirée par une vision chrétienne de la personne et du travail. Vous êtes de passage dans notre région pour assurer différentes formations notamment à Toulouse et à Nîmes, merci de faire ce passage par nos studios. Sans doute avez-vous remarqué cette ambiguïté face au travail, certains s’en méfient et n’y voient pas un lieu d’épanouissement, d’autres l’idéalisent et c’est notamment le cas des dernières générations qui sont arrivées sur le marché du travail imaginant que tout doit y être parfait. Comment vous positionnez-vous par rapport à cette ambivalence ?

JS : L’idéalisme fait référence aussi à la recherche de sens. Beaucoup recherchent un métier qui ait du sens. Beaucoup cherchent un plaisir immédiat dans ce qu’ils font et puis, finalement, quand on commence à se confronter au réel, on se rend compte que la réalité n’est pas aussi belle qu’on se l’était imaginée. Ce qui est important finalement c’est de revenir à ce rêve qui m’habite, et d’essayer de l’approfondir pour voir ce qu’il veut dire, et de voir finalement ce qu’il y a au fond de moi. Ce rêve éphémère d’un instant va probablement brûler et va disparaître en principe assez vite, au profit d’un désir plus profond. Ce désir plus profond, lui, a beaucoup de sens, car c’est le lieu de l’incarnation du Christ en nous. C’est un désir qui demeure, qui va durer dans le temps, savoir l’écouter c’est aussi savoir redonner un sens à son travail, car peu à peu on va essayer de se mettre en conformité avec ce désir de fond. Si je porte le désir depuis des années de créer mon entreprise par exemple, savoir écouter ce désir, l’approfondir, devrait me pousser à aller dans cette voie. Si j’avais été dans un simple rêve, j’aurais peut-être créé une entreprise comme ça, rapidement, sans me demander si le produit ou le service proposé me correspondait vraiment au risque de me retrouver en échec. Un temps d’approfondissement de ce désir peut permettre de mieux poser les choses pour l’avenir.

IC : Et c’est aussi une façon d’apprendre à mieux se connaître ?



JS : Oui c’est ça. Dans la vie professionnelle, on se révèle. Si on va prendre un verre ensemble, Isabelle, on va prendre beaucoup de plaisir à échanger. En revanche, si on doit construire ensemble quelque chose, on se révèle chacun dans nos façons de travailler. Par le travail on découvre ceux qui sont rapides, ceux qui sont lents, ceux qui sont craintifs, ceux qui le sont moins. Ainsi au travail on apprend à se connaître, à


se dévoiler à soi-même, à se révéler aux autres. En connaissant mieux nos points forts, nos points faibles, cela nous permet, le cas échéant, d’aller chercher des secours là où il faut. On découvre ainsi l’indispensable complémentarité entre collègues dans le travail.


IC : Votre ouvrage aborde de nombreux sujets comme le premier emploi, les relations avec les collaborateurs, avec le chef, avec les clients, les fournisseurs, et vous partez à chaque fois d’une situation concrète et vous apportez ensuite des conseils pratiques, vous vous interrogez enfin sur ce qu’apporte d’être chrétien dans la situation donnée. Est-ce qu’il y a pour vous une façon particulière de travailler qui est propre au chrétien ?

Le bonheur au travail avec Jacques de Scorraille

JS : Je pense qu’il y a déjà vivre dans l’Espérance. Pour beaucoup lorsque je travaille, « je travaille à la sueur de mon front », comme une victime, « ça va comme un lundi ». Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un travail qui soit gratifiant, cette question du sens du travail, on la retrouve ici. Le chrétien devrait être habité de cette espérance de faire notamment de son travail un lieu de rencontre du Christ. Il peut arriver de rencontrer quelqu’un à la machine à café, si la Providence le permet, ce temps d’échange peut porter sur les convictions de fond de l’un ou de l’autre. Créer des espaces pour être disponible à l’autre est une première façon de partager son Espérance.


IC : D’accord. Vous avez dans votre livre un chapitre consacré à la gestion des conflits. Si on prend l’exemple de conflits entre des collaborateurs, comment peut-on les désamorcer que l’on soit chrétien ou pas ?


JS : d’abord il faut avoir en tête que le premier gravillon dans la chaussure va devenir un petit caillou, puis un rocher. Il faut donc l’enlever rapidement. Sans cela, très vite cela devient impossible d’être à proximité de celui avec qui la tension monte. La charité nous guide en tant que chrétien à trouver des façons de dire à l’autre ce qui me dérange dans son attitude, dans sa manière de faire. Souvent on va avoir tendance à juger l’autre, tu es ceci, tu es cela. Une attitude chrétienne qui consiste à parler de soi plutôt que de parler de l’autre. Exemple : quand l’autre laisse la fenêtre du bureau ouvert, il vaut mieux lui dire « j’ai froid », je parle de moi ; plutôt que « tu es sans-gêne » où je parle de l’autre. Une manière chrétienne de traiter les conflits, c’est d’être attentif à ne pas laisser les choses s’envenimer, se dégrader. Être chrétien c’est être une personne de parole, c’est mettre les choses sur la table. Si on ne parle pas, on accumule, et puis ça explose, ou on n’arrive plus à dire les choses et on entre dans des non-dits. Parfois on n’ose rien dire parce que le point de départ est petit, et on a un peu honte de revenir dessus. En tant que chrétien, il y a pourtant une vigilance à entretenir nos relations. Nous sommes des êtres de relations, on reçoit et on donne. Comment je transforme ce que je reçois de mon environnement pour lui retourner, lui donner quelque chose de positif.


IC : C’est aussi une façon de cultiver la paix ?


JS : Oui exactement. Cette parole de la Bible : « cherche la Paix et poursuis-la » est, je pense, l’enjeu du chrétien. Rechercher cette paix dans la relation, sans pour autant être naïf, le « béni-oui-oui ». Il y a une dualité entre l’authenticité et l’adaptation. Parfois j’ai besoin d’exprimer qui je suis (être authentique) et parfois je dois m’adapter. Si je passe mon temps à m’adapter je n’existe pas, et si je suis tout le temps authentique les autres n’existent pas. Une des caractéristiques du chrétien est de rechercher la sagesse, la recherche de la maîtrise de soi et du juste équilibre dans les situations de la vie et en particulier la vie professionnelle.


IC : Une enquête Ifop réalisée en janvier 2020, indique que 82% des sondés estiment l’entreprise responsable du bonheur de ses salariés et 37% seraient prêts à gagner moins en échange d’un travail qui ait du sens, vous en parliez au début de cet entretien. Mais je voulais revenir sur ce sujet du sens. Vous détaillez dans votre ouvrage les différents sens : le sens existentiel, psychologique, et spirituel. Que dit l’Eglise à ce sujet ? Quel sens donner au travail ?

JS : Le sens du travail c’est déjà : pour qui travailles-tu ? Soit je travaille pour moi-même, je tourne un peu en rond au bénéfice de mon confort personnel. Sois-je travaille pour quelqu’un, un client à servir : un client interne, un client externe. Le travail dans la perspective chrétienne va nous tourner vers l’autre. Ce travail va contribuer à la transformation du monde vers un bien. Les manières de travailler vont aussi intéresser l’Eglise : tous les chemins pour tendre vers un bien ne sont pas les mêmes, n’ont pas la même valeur. Vendre des smartphones est un bien, et la manière pour fabriquer ces smartphones et les mettre sur le marché, relève d’un certain nombre de principes d’actions, pour lesquels l’enseignement de l’Eglise peut apporter un éclairage.


IC : Vous auriez un exemple concret aussi sur le sens par le management ?


JS : Le manager est aussi le représentant de l’entreprise auprès des équipes. Quelques fois, les équipes ont du mal à comprendre dans quel sens va la direction : Où va -t-on ? Le représentant hiérarchique a pour rôle de faire de la pédagogie, d’expliquer le chemin qui va être pris, les obstacles qu’on risque de rencontrer, le temps qu’on va mettre, identifier les freins des équipes, y répondre, remonter les freins identifiés à sa propre direction. C’est une courroie de transmission qui est essentielle, pour faire en sorte que ses équipes comprennent où l’on va et trouvent ainsi du sens à ce qu’elles font.


IC : Vous accompagnez des dirigeants dans votre cabinet Ecclésia RH. Que vous disent-ils de leurs difficultés ?


JS : Aujourd’hui les difficultés sont d’ordres multiples, cela dépend des secteurs : la complexité accrue liée au covid dans le domaine de l’enseignement ou le domaine de l’entreprise. J’accompagnais un Directeur Général de matériel de jardin en plein confinement, il devait tripler sa production pour faire face à la demande. Et en même temps, ses fournisseurs réduisaient leur propre production. Les enjeux sont très différents selon la place que l’on occupe. On est ramené à des problématiques humaines. Quand on va doubler la production, est-ce que les personnes vont suivre ? Que vont dire les personnes si on réduit leur temps de travail et donc le salaire pour raison de chômage technique ? On se retrouve systématiquement dans des problématiques humaines.

La dimension du management chrétien a pour enjeu de faire en sorte que les personnes se mobilisent dans leur travail en y trouvant du sens.

Il y a aussi des difficultés plus structurantes, à moyens et longs termes qui s’inscrivent dans l’histoire, avec une relation au travail de plus en plus atomisée, avec une valeur entreprise, une valeur travail qui diminue, on se retrouve avec des difficultés de recrutement, de fidélisation. Il y a des métiers qui n’attirent pas, parce que les représentations sociales font que par exemple, « être conseiller funéraire » cela n’a pas beaucoup de sens, alors que si on interroge ceux qui font ce métier ils disent que cela a un sens très important pour eux-mêmes et les familles accompagnées. Quand on gère des équipes, on est confronté à des personnes qui ont des zones d’intérêts diverses et il est parfois difficile de faire converger ces personnes vers un but commun.


IC : Comment chacun à son niveau peut faire de l’entreprise un lieu vertueux ?

JS : La première chose, c’est d’être soi-même. Être vertueux est une dimension humaine. La vertu est une fille de la sainteté ou si on préfère : « la sainteté est la mère de la vertu ».

Dans la sainteté, chacun veille à entretenir sa foi en Dieu et à la développer. Cela devrait se traduire par une vie d’oraison, nourrie par l’Eucharistie et fréquenter régulièrement le sacrement de réconciliation. En effet, le travail est un lieu où l’on prend des coups et où l’on peut en donner sans le vouloir. On a besoin de se demander pardon régulièrement. Ce triptyque Oraison, Eucharistie et sacrement de Réconciliation, est un bon moyen de relire sa vie, de manière à chercher à vivre en cohérence avec sa foi.


IC : Une fois que ce triptyque est mis en place, est-ce qu’il y a des actions à poser pour que l’entreprise soit plus vertueuse ?


JS : Oui, on peut évoquer la culture de la confiance. Comment créer la confiance dans les relations de travail ? Pour qu’il y ait confiance, il faut qu’il y ait vérité. Pour qu’il y ait vérité, il faut que les éléments, que j’apporte dans une relation de travail, soient conformes au réel. Développer la confiance, correspond à une philosophie de vie qui s’appuie sur du parler vrai où on se dit les choses, on n’attend pas que la situation se dégrade. On n’embellit pas plus que nécessaire la réalité, ou au contraire, on ne la sous-évalue pas. Avoir une juste parole est la clef de la confiance.

Un autre point est à souligner : la dignité de la personne. Elle est essentielle, avec la confiance, elle est un principe de la Doctrine Sociale de l’Eglise. Chacun a droit à un travail. En tant que responsable d’entreprise, comment faire pour que chacun ait sa place que l’on soit une personne handicapée, ou un cadre à haut potentiel. Il est vrai que tout est question d’équilibre. Toute entreprise n’a pas vocation à être une entreprise d’insertion. Cependant toute entreprise doit être attentive à faire une place à celui qui est sur le bas-côté.


IC : Et pour terminer cette invitation que vous faites, qui est d’être un saint au travail et de ne pas avoir honte de dire sa foi autour de soi.


JS : Il ne s’agit pas d’écrire sur son bureau « ici le Royaume de Dieu », en revanche, il faut essayer de le vivre. Un premier témoignage est d’être cohérent. C’est un enjeu de tous les jours, qui n’est jamais gagné. La sainteté au travail c’est rechercher la cohérence. Je sais que je tomberai de temps en temps, mais je sais aussi qu’il y a un Sauveur, qui est là, pour m’aider à avancer et à me relever.

IC : Merci


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