De quelle sagesse parlons-nous ? Celle que je réclame désespérément à mes enfants ? Non. Celle des vieux sages qui trouvent leur force dans une profonde connaissance et une expérience de vie éprouvée ?
RCF interview Gabriel Bardinet
RCF - Alors de quelle sagesse s’agit-il ?
Gabriel - Une piste nous est donnée par Salomon dans le livre des Rois « Donne à ton serviteur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner ton peuple et discerner le bien et le mal ». Le pape François nous l’explique, cette sagesse « est la grâce de pouvoir voir chaque chose avec les yeux de Dieu » et pas seulement avec nos yeux d’humains. Cette sagesse nous invite à changer nos lunettes.
RCF - Je suppose que vous invitez les managers à changer de lunettes c’est cela ?
Gabriel - Oui et trois fois oui ! Dans cette course de productivité dans laquelle nous étions enfermés jusque-là, nous perdions l’essentiel de vue. La cohérence entre nos actions et notre pensée ; entre notre cœur et notre intelligence ; entre notre intelligence et notre bras. La sagesse nous permet justement de retrouver cette cohérence.
RCF - Je note que vous utilisez le passé…
Gabriel - C’est juste. Le Covid a arrêté brutalement la machine. Mais elle repart. L’économie repart et c’est une joyeuse nouvelle car nous ne savions pas si et comment elle allait repartir. A nous de faire preuve de sagesse et de ne pas reproduire les modes de fonctionnement passés. C’est une chance unique. Unique. De pouvoir faire preuve de sagesse et de discernement chacun à nos places, dans nos métiers sur ce que l’on souhaite pour demain.
RCF - Que peut nous apporter cette sagesse ?
Gabriel - L’empathie pour commencer. La sagesse en nous donnant le temps, nous permet de nous connecter à l’autre. Elle nous apprend à nous mettre à la place de l’autre et ainsi comprendre son point de vue. Les conflits ne se résument pas au bien contre le mal, au vrai contre le faux mais à deux perceptions du bien qui entrent en conflit l’une avec l’autre. S’ouvrir à l’autre permet d’esquisser un terrain d'entente entre des points de vue discordants.
RCF - Cette sagesse ne permet-elle finalement pas de s’élever ?
Gabriel - La sagesse nous permet de prendre du recul et de la hauteur face à une situation. Et d’accepter nos propres limites. Accepter que le doute et l'incertitude, que la peur et l’inquiétude fassent malheureusement partie de la vie et ce ne soient pas des ennemis à combattre mais à apprivoiser.
RCF - Les managers doivent donc tous devenir de vieux sage ?
Gabriel - Je vous invite à lire l’article de Manfred Kets de Vries, professeur à l’INSEAD « Pourquoi la sagesse ne peut pas être enseignée ? ». Être intelligent et être sage sont des choses tout à fait différentes. La sagesse implique plus que la simple capacité à raisonner. La connaissance devient sagesse lorsque nous avons la capacité d'assimiler et d'appliquer ces connaissances pour prendre les bonnes décisions. Comme le dit le proverbe, « la connaissance parle mais la sagesse écoute ».
RCF - L'âge ne nous rend donc pas plus sages ?
Gabriel - Pas automatiquement, désolé ! Ce n’est qu’à travers nos propres expériences de vie que nous apprendrons à agir avec sagesse. Il faut donner du temps au temps. Oui les plus anciens managers sont plus en mesure que les jeunes d’agir avec sagesse mais beaucoup ne mettent jamais leur expérience de vie à profit. Mais réjouissions-nous, Voltaire nous avait prévenu : « le monde avec lenteur marche vers la sagesse ». La marche est lente mais la transformation est profonde !
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